Voici mon premier rapport de partie sur ce forum. Je n'ai pas vraiment l'habitude de ce genre de pratique mais je trouve la démarche assez intéressante pour me jeter à l'eau ! N'hésitez pas à me demander plus de précision ci besoin, ou alors de recadrer mon rapport (qui est peut-être trop long).
Merci de me lire :)
Icons
Mon groupe et moi avons testé une première partie d’Icons, de Steve Kenson, dont John Doe assure l’édition française.
Icons est un jeu dans lequel les joueurs incarnent des super-héros dans un univers non défini par la base (mais le monde contemporain est tout à fait induit).
Mon groupe
Mon groupe n’est pas un groupe d’hardcore-rôlistes. Les membres ne sont pas particulièrement intéressés par l’univers rôliste et sa découverte passe immanquablement par moi. Je leur présente régulièrement de nouveaux jeux, ils s’amusent, point. Ils ne sont jamais passé de l’autre côté du paravent…
Je ne prétends pas connaître mes joueurs par cœur, mais voici ma vision d’eux :
Kenji est une joueuse réservée et attentive, qui est plus intéressée par l’histoire qui se construit que par le reste. Elle préfère d’ailleurs suivre celle-ci que l’élaborer. Elle adore vivre ce que vit son perso, mais n’est pourtant pas du tout porté sur le RP, à un point où elle ne prend pas forcément la peine de donner un nom à son perso.
Wallace est un joueur lui aussi réservé, ayant du mal à prendre des décisions dans le groupe. Il aime interpréter des personnages puissants et utiles, et prend plaisir à interagir avec l’univers. Peu à l’aise avec la création d’éléments d’intrigue, il prend son pied avec des scénarios dans lequel il recherche des solutions à des problèmes clairement définis.
Tonio est un joueur extraverti et sûr de lui. Il aime être sous le feu des projecteurs et interpréter un personnage atypique et puissant. Il voit le scénario comme une succession de défis, lesquels demandent une solution originale qu’il se doit de trouver. Parfois encombrant, surtout vis-à-vis des joueurs plus timides, il nécessite un recadrage de ma part pour laisser les autres s’exprimer.
Lee est un joueur « sadique ». Il aime interpréter des anti-héros, des personnages truffés de failles, et désire plus que tout les faire réussir. Il veut que son personnage peine réellement à une tache, mais il veut aussi la réussir, ce qui est très délicat pour moi : Comment trouver un défi qui l’accable, tout en le laissant se relevé… ?
Les personnages
Nous avions prévu 4 heures de jeu, entre 20h00 et 0h00. Nous avions donc privilégié la création de personnage aléatoire, afin d’accélérer le processus.
Kenji interpréta Gaïa, capable de contrôler les temps, que ce soit celui qui passe ou celui qu’il fait… Ainsi, elle était capable de faire tomber la foudre, de provoquer une tempête, de ralentir le temps ou de se dédoubler. Son second pouvoir lui permettait de voir à travers les objets. Ses caractéristiques plutôt élevées couvraient un profil équilibré.
Wallace interpréta Goliath, capable de s’agrandir (jusqu’à 7 mètre !) et armé d’un poing américain magique. Il était aussi capable de résister à des assauts mentaux et d’immobiliser ses cibles. Son profil était plutôt accès sur les compétences physiques.
Tonio interpréta Synapse, inspiré d’Iron Man. Un génie équipé d’une armure robotique lui permettant de se téléporter et lui donnant une incroyable rapidité. Ses principales qualités étaient principalement intellectuelles, même si sa force faisait de lui un adversaire sérieux.
Lee enfin interpréta Commandante, un Batman like, un humain dénué de pouvoir dont seule sa combinaison lui permettait de voler. Le manque de chance aux dés lui donna des caractéristiques réellement faibles, qu’il décida d’ordonner de façon à promouvoir un profil plutôt intellectuel (avec un score de 2, ridicule, en combat).
On remarque aisément que la palette de pouvoirs disponibles est phénoménale et couvre, à mon avis, tout ce qui a été créé en matière de super-héros. On peut donc façonner le héros que l’on souhaite, sans restriction aucune. Pourtant, le système est paradoxal : Comment créer celui-ci, si la création même est aléatoire ? Tonio, qui voulait jouer Iron Man, s’est retrouvé à en jouer une pâle copie, ne pouvant pas voler par exemple…
Zoom sur : La Ténacité
Le système prévoit une réserve de points de Ténacité, permettant aux joueurs d’agir directement sur l’histoire. En effet, ceux-ci permettent d’améliorer un jet de dés, de réalisé un coup d’éclat ou alors d’interagir sur l’histoire, en prétextant par exemple que le personnage trouve un réservoir d’eau proche de la zone de combat.
Toutefois, pour utiliser ces points, le joueur doit pouvoir le justifier de par ses atouts. Ceux-ci peuvent être un contact, une description, une devise, un historique, bref tout ce qui peut donner vie à un personnage et défini en amont lors de la création.
Enfin, pour remplir cette réserve, le joueur peut être contraint d’accepter une faille. Celles-ci sont également définies à la création, et le MJ les utilise quand bon lui semble afin de donner du fil à retordre au groupe. L’acceptation de cette faille par le joueur lui permet de récupérer un point de Ténacité.
On a donc devant nous un système censé à la fois faciliter l’immersion du joueur et donner des idées de jeu au MJ.
Le système de résolution
Une action se résout en lançant 2d6 de deux couleur différentes, l’un étant soustrait de l’autre.
Le résultat ainsi obtenu est additionné à la caractéristique qui va bien, et on retranche la difficulté à l’ensemble. Si le résultat est positif, c’est une réussite. Celle-ci est d’autant plus importante que le résultat est élevé.
Exemple : Goliath (Vaillance 7) tente une attaque contre un Ninja (Vaillance 4). Le dé « plus » fait 5 et le dé « moins » fait 6, soit un résultat de -1. Le calcul est le suivant : -1 +7 -4 = 2. L’attaque réussie. Avec un résultat final de 3, il aurait même pu projeter le Ninja dans un mur…
Le système se veut sûr, étant donné qu’un résultat de 0+ est obtenu 2 fois sur 3. Ceci signifie qu’une action d’une difficulté égale à son niveau a 2 chances sur 3 d’aboutir : puissant. Pourtant, si la difficulté dépasse d’un point son niveau, les chances se réduisent drastiquement à 1/3…
L’intrigue
J’ai choisi de leur faire jouer le scénario d’introduction présenté dans le livre.
Une bataille éclate au loin entre deux méchants de l’univers de jeu : Le Déchu et le Troll (deux brutes épaisses). Les héros interviennent pour les calmer, et se rendent alors compte que le Déchu a été drogué, lui provoquant une haine féroce envers le Troll. La bataille était ainsi en réalité qu’une diversion permettant aux hommes de mains du Docteur Sin de dérober une tablette médiévale chinoise, source potentielle de l’immortalité.
Une enquête poussée, tout d’abord au musé cambriolé, puis dans Chinatown permet aux héros de remonter la piste de Sin, et d’investir son repaire. S’en suit alors une bataille féroce, dont ils sortent victorieux. Sin sous les barreaux, les joueurs profitent de leur victoire.
La partie
Revenons tout d’abord sur la création du personnage. La base préconise la manière aléatoire, même si un court paragraphe détaille une création par point. Premier constat, la création aléatoire est tout de même longue : 1h/1h30 de création. Je pense qu’une création par point aurait été tout aussi longue…
De plus, le système prétend que la Ténacité permet d’absorber le manque de chance lors de la création. Toutefois, il présente des limites que nous avons largement atteintes. En effet, le nombre de points de Ténacité étant égal à 6 moins le nombre de pouvoir et de caractéristiques puissantes, le personnage de Lee se retrouvait avec 4 points, alors que les autres avaient un total négatif, de l’ordre de -2 ou -3. Le minimum étant de 1, l’écart de 7 points devenait un écart de 3, et le déséquilibre fut flagrant. De plus, la réserve du groupe était garni, grâce notamment à une spécialité de Lee, et ce sont les personnages les mieux lotis qui ont profité de celle-ci. Ironie du sort dirons-nous.
J’ai bien entendu proposé à Lee de relancer ses dés, mais il refusa prétextant que « C’est le jeu, ma pauvre Lucette ». Durant la partie, Commandante, son personnage, fut clairement moins utile que les autres et Lee s’ennuya à plusieurs reprises. Le plus difficile pour lui fut de voir qu’à chaque fois que le groupe suivait une de ses idées, tous réussissait sauf lui.
Voici un premier point d’approfondissement : Le système de création aléatoire crée-t-il immanquablement du déséquilibre ? Et encore plus largement, le déséquilibre entre personnage a-t-il sa place dans une partie de jeu de rôle ?
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Parlons ensuite du système de combat. Celui-ci se veut calquer sur les comics, et utilise des termes comme « cases » ou « planche » pour simuler le temps. La base précise que tous les joueurs doivent agir, puis vient ensuite le tour des méchants. Ce choix renforce considérablement le travail d’équipe. En effet, on a pu voir une scène de combat où Synapse ouvrait des vannes pour inonder la pièce alors que Gaïa faisait tomber la foudre. Le bilan fut catastrophique pour les adversaires.
Toutefois, on perd quelque peu de dynamise et de vraisemblance, car un ennemi va se faire taper dessus 4 ou 5 fois avant de répliquer. Lee m’a d’ailleurs déclaré qu’il n’arrivait pas à se mettre dans le combat car il ne pouvait s’imaginer la scène : « Comment se fait-il que le monstre attende ? ».
Je pense que la solution est simplement d’établir le fait que tous les personnages agissent en simultané et que par conséquent, on perd le travail d’équipe établi au début de ce paragraphe…
Ce point me semble délicat, et je souhaiterais en débattre également avec vous : Vaut-il mieux privilégier l’esprit de groupe ou le dynamisme des scènes ? (Gardons en tête que ce jeu propose d’interpréter une équipe de super-héros, et non un simple groupe)
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Enfin, le troisième et dernier point concerne la Ténacité et les traits permettant de créer du jeu. Je dois avouer que le système de Ténacité est clairement une excellente idée, car elle permet tout d’abord de donner aux PJ une certaine maitrise de la narration. Ensuite, il renforce l’idée que l’on joue des super-héros, donc des êtres dotés de puissants pouvoirs capables d’influer clairement sur l’univers. Enfin, celui-ci étant lié aux atouts et failles des héros, il nécessite un minimum d’implication de leur part. Les joueurs mettront en avant les qualités de leur héros pour briller, mais surtout, ils n’hésiteront pas à suggérer au MJ de les mettre en difficulté en usant et abusant des failles afin de regagner des points.
Pourtant, je n’ai pas réussi, et je le prends personnellement, à utiliser ce système. Mes joueurs se sont plus ou moins retrouvés perdus lors de la création lorsque je leur ai demandé de trouver des atouts et des failles pour leur héros. Ce fut laborieux à déterminer et je n’arrivais pas à les guider voir même à leur donner des exemples…
Finalement, je pense que nous sommes passés à côté de ce système.
Wallace utilisa un point pour améliorer un jet de dé. Kenji en utilisa un autre pour accroitre un effet de son pouvoir (faire un coup d’éclat). Mais sur les 10 points réparti en début de partie, seulement 2 ou 3 furent utilisés et 1 seul regagné.
J’aimerais donc également adressé ce point avec vous.
Bilan
J’ai l’impression qu’Icons est un très bon jeu. Tout d’abord, il présente un thème clairement sous-exploité, car je n’ai pour l’instant que rarement vu un jeu de super-héros en VF. Ensuite, il est clairement exhaustif d’un point de vue création de perso. Je pense que l’on peut s’amuser à reconstruire n’importe quel super-héros de comics. Enfin, il propose un système de Ténacité qui à mon avis fait tout le cœur du jeu et le différencie. Effectivement, on joue des héros puissants, travaillant en équipe soudée et présentant de forts signes caractéristiques (les atours). Pourtant ceux-ci sont sujets à des failles sournoises et fréquentes.
Mon ressentit sur la partie est plus mitigé. Tout d’abord, l’univers est inexistant de la base, puisqu’il préconise l’univers classique des super-héros (univers qui m’est de base plutôt inconnu). J’ai donc eu du mal à me transposer dans l’ambiance générale que l’auteur souhaitait instauré. Ensuite, l’utilisation maladroite que nous avons faite de la Ténacité nous a empêchés de profiter pleinement du système. Nous avons alors perdu l’un des principaux atouts du jeu. Enfin, Lee n’a clairement pas passé une bonne soirée, son personnage étant bien en deçà des autres. Il s’est souvent senti inutile, dommage…
Je vous remercie d'être arrivé jusqu'ici. :)
A très bientôt !
Néméphis