[JRTM] une partie de JDR à l'âge de 10 ans

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[JRTM] une partie de JDR à l'âge de 10 ans

Message par Frédéric » 03 Mai 2009, 20:57

Comme je sais qu'un certain nombre d'entre vous s'intéresse au JDR pour les enfants, je tenais à vous témoigner d'une de mes expériences marquantes de mes premières parties de JDR.

Mon frangin venait d'acheter et de lire JRTM, il m'a fait une mini partie d'initiation, pour tester le jeu sans doute. Il avait 14/15 ans et moi 9/10 ans.

J'ai créé un elfe sylvain, que je voyais comme un héro honnête et courageux (j'étais très Disney-Bisounours à l'époque).

En voyage vers une ville, j'ai établi un campement pour la nuit. Une troupe orque passant par là, je me suis caché dans un arbre (et oui, les réflexes viennent vite). J'ai dégommé quelques orcs à l'arc (normal, ils sont le mal, je suis le gentil, je n'avais pas vraiment de raison d'agir autrement, et estimer le danger, ça ne m'était vraiment pas venu à l'esprit, mon frère allait forcément me proposer des dangers à la mesure de mon PJ) avant qu'ils ne soient trop près, puis je me suis enfui, voyant le nombre (une vingtaine, je crois). Ils m'ont pourchassé. J'ai essayé de gagner la ville la plus proche.
Michaël (mon frère) m'a dit que les orcs ne relâchaient jamais leur traque et manque de bol, après quelques jets de dés, ils m'ont rattrapé avant que je n'atteigne cette fameuse ville.
Le combat a été bref et...
Je suis mort et...
J'ai pleuré (moi qui déplorais le fait de n'avoir jamais pleuré sous le coup de l'émotion pendant une partie de JDR... ce souvenir montre que j'avais tort).

Avec du recul je me rends compte qu'à chaque fois que j'ai mal réagi lors d'une partie de JDR, c'est parce que le MJ m'a plus ou moins ôté toute possibilité de me sortir d'une situation. Un sentiment d'injustice m'amenait à quitter la table, à pleurer ou à m'engueuler avec mon frère. Pour lui, je m'étais trop mis dans la merde pour que l'histoire puisse se solder autrement. Pour moi, la situation n'a aucun intérêt si je ne peux pas m'en sortir. Du coup, j'en voulais à mon frère. Et lui ne comprenais pas.

Cela vous semble-t-il d'un enseignement quelconque concernant le JDR pour enfant ou le JDR tout court, ou suis-je simplement un anarchiste du JDR impénitent et prédestiné, ce CR en est la preuve ?
Frédéric
 
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Message par Meta » 03 Mai 2009, 21:11

Eh bien, la situation a sans doute un intérêt si tu ne peux pas t'en sortir, mais le problème, c'est que les risques et les intentions ne sont pas clairs dès le début, voilà le souci. Le jeu de rôle n'exige pas que les personnages doivent s'en sortir, tout dépend de l'enjeu de la partie, mais sans doute faut-il informer les joueurs de ces enjeux et des risques afin qu'ils y soient préparés et qu'il n'y ait pas dissonance dans la pratique de l'activité.
Meta
 
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Message par Lionel (Nonène) » 04 Mai 2009, 12:45

Très intéressant comme rapport de partie.

Ce que tu racontes rejoint certaines observations que j'ai pu faire avec des jeunes adolescents de 11-12 ans (les rapports de parties seront faits prochainement).

Je crois que tu mets le doigt sur une vraie problématique :
- Comment gérer les risques des jeunes joueurs débutants ?

Un adulte exprimera sans doute mieux sa frustration qu'un jeune. C'est d'ailleurs dans cette optique que j'ai pensé Animaland avec l'impossibilité de mourir.
Lionel (Nonène)
 
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Message par Frédéric » 04 Mai 2009, 12:50

Lionel : quand tu dis "comment gérer les risques..." tu parles des risques que rencontrent les personnages dans la fiction ou des risques liés aux joueurs ?

Axel : oui, tu as sans doute raison, mais ce n'est pas la plus aisée des choses que d'exprimer les intentions ou la démarche du groupe dès le début... Des pistes ? (Bon, bien sûr, il y a le GNS, mais sommes-nous encore dans son champ d'analyse ?)
Frédéric
 
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Message par Lionel (Nonène) » 04 Mai 2009, 13:01

Oui il s'agit bien des risques pris par le personnage en jeu mais qui sont gérés par le joueur par l'intermédiaire de son personnage.
Lionel (Nonène)
 
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Message par Frédéric » 04 Mai 2009, 13:05

Ok.
On pourrait envisager que selon l'approche, il vaille le coup d'éviter de faire reposer la partie sur l'appréciation du danger, que le MJ n'hésite pas à clarifier le degré de danger à chaque fois étant donné qu'on ne peut pas demander à un enfant de l'estimer sérieusement.

Dans Animaland, les dangers ne font que conduire à des péripéties différentes. Bob l'éponge ou Franklin la tortue ne meurent pas. Le chevaliers du Zodiaque affrontent des dangers qui paraissent trop grands pour eux, mais ils ont toujours la possibilité de s'en sortir (Deus ex machina à gogo, par exemple)...
Dans ma campagne d'Harry potter, j'ai toujours veillé à permettre aux joueurs de trouver des solutions (voire à les leur donner) pour régler la situation en apparence ingérable et au dessus de leurs forces.
Frédéric
 
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Message par Marc » 04 Mai 2009, 13:35

Je trouve que ce n'est pas un problème spécifique au jeu de rôle : j'ai joué à Bioshock en mode immortel, parce que ce qui m'intéressait, c'était de découvrir les beaux graphismes, et d'avoir le fin mot de l'histoire. Mourir, c'était juste une perte de temps...

C'est dans cette optique-là que j'essaie de fonctionner : les PJ peuvent être gravement blessés, capturés, perdre du temps, mais mourir, à part lorsque le genre joué s'y prête (horreur, jeu "gritty", etc.)... Quel intérêt ?
Marc
 
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Message par Chimère (flavie garnier) » 04 Mai 2009, 17:05

Je rejoins votre sujet car j'ai trouvé ton rapport de partie vraiment très intéressant.

Les enfants vivent dans un monde où ce qu'ils imaginent peut avoir beaucoup de réalité. Quand on jouait aux cowboy et aux indiens, on était vraiment dedans, limite tendance gn.

Je crois que ta partie montre que les enfants s'attachent énormément à ce qu'ils créent. Le fait que tu aies pleuré en perdant peut être dû à deux causes, qui ne s'excluent d'ailleurs pas:

-ton personnage était ta propriété, ta création, et tu n'étais pas prêt à le perdre.
- à cet âge, un certain sentiment de compétition reste fort, et perdre est quelque chose de très désarmant pour un enfant.


En gros, les enfants sont plus sensibles à la frustration qu'ils expérimentent, d'autant que l'investissement émotionnel peut être fort (bien qu'ils fassent relativement facilement la différence entre fiction et réalité).


Je doute qu'effacer le problème en empéchant les personnages de mourir soit une solution. En revanche, prévenir de certains risques liés à des catégories spécifiques (orcs ...) me parait une bonne idée, comme tu le disait fred.

"Attention, ce monstre de 37 mêtres va t'en vouloir, et le tuer sera vraiment dur! tu veux vraiment l'attaquer?"

Reste maintenant le problème du mj, ici ton frère. les enfants peuvent être très sadiques, et sans doute avait-il décidé de t'achever.

Les jdr pour enfants doivent non seulement être codifiés pour les joueurs, mais ils doivent voir certaines règles très réglementées pour éviter ces siuations de mj tout puissants.

Pour cela, comme le disait l'un d'entre vous, ils pourront jouer au même jeu.

En gros, tu peux tuer si
-ton joueur n'a pas écouté ta mise en garde
-s'il a raté toutes ses actions de fuite et de bataille
-s'il a perdu tous ses pv (si c'est un jdr classique évidemment!)

Bref, les jdr pour enfants sont une bonne idée, mais ça reste quand même un peu dur à mettre en place.
Chimère (flavie garnier)
 
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Message par Frédéric » 04 Mai 2009, 19:15

Je crois que ta partie montre que les enfants s'attachent énormément à ce qu'ils créent. Le fait que tu aies pleuré en perdant peut être dû à deux causes, qui ne s'excluent d'ailleurs pas:

-ton personnage était ta propriété, ta création, et tu n'étais pas prêt à le perdre.
- à cet âge, un certain sentiment de compétition reste fort, et perdre est quelque chose de très désarmant pour un enfant.


Je pense que j'ai pleuré comme j'aurais pleuré si on avait cassé un jouet que j'aime ou si le personnage d'un dessin animé que j'aime meurt.
L'idée de défaite y était pour peu de choses dans le souvenir que j'en ai.

En outre, je pense sincèrement que l'impossibilité de mettre en œuvre mon salut est la vraie raison de ma frustration et de mon sentiment d'injustice. Après cela n'est-il un problème que pour moi à cet âge là (et encore aujourd'hui en fait) ou peut-on l'étendre à la majorité des enfants? c'est une grande question...

J'ai l'intime conviction que si la mort de mon PJ avait dépendu d'un système arbitraire avec transparence au niveau de la difficulté de l'épreuve (et de ses dangers), plutôt que de l'inégalité de la situation qui était elle du fait du MJ, je l'aurais mieux acceptée.
Je me dis par exemple qu'avec un système comme celui de The Pool où le niveau de difficulté est toujours le même, quel que soit le conflit, il ne peut pas y avoir de surprises. De plus, dans certains jeux, la mort des PJ est encadrée : dans Polaris (de Ben Lehman encore et toujours) c'est seulement le joueur qui peut décider de la mort de son PJ.
Dans Démiurges à zéro points de vie, le personnage est à la merci de son adversaire, c'est au joueur ou au MJ contrôlant l'adversaire de décider s'il le tue ou s'il le laisse en vie.

Voici également le chapitre traitant de la mort dans The Pool :
The Pool (vf) a écrit :Si votre personnage échoue à un jet de dés et que le MJ estime que la situation est létale, vous pouvez soit accepter la mort et déclamer un dernier Monologue de Victoire pour décrire cette dernière, ou alors procéder à un jet de dés pour tenter de sauver votre vie. Pour ce jet de dés vous ne pouvez faire appel à aucun de vos traits et le Mj ne peut en aucun cas vous gratifier de dés de bonus. Tous les dés de votre Pool doivent être misés. Chacun de vos compagnons peut vous gratifier de jusqu'à 9 dés qu'il puise dans son Pool. Et aider ainsi votre personnage à survivre.
Quel que soit le résultat du lancé de dés, tous les dés sont perdus, même les dés misés par les autres joueurs.
Si vous réussissez le jet de dés votre personnage à survécu à l'incident, mais vous n'obtenez aucun Monologue de Victoire ni de dé à rajouter à votre Pool. Le MJ décrit comment la Mort a été évitée. Si vous échouez, votre personnage meurt. Dans ce cas, vous obtenez le droit de déclamer un dernier Monologue de Victoire dans lequel vous devez décrire en détail la mort de votre personnage. Faites en un bon.
Frédéric
 
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Message par Meta » 04 Mai 2009, 21:27

Chimère (flavie garnier) a écrit :
Je crois que ta partie montre que les enfants s'attachent énormément à ce qu'ils créent. Le fait que tu aies pleuré en perdant peut être dû à deux causes, qui ne s'excluent d'ailleurs pas:

-ton personnage était ta propriété, ta création, et tu n'étais pas prêt à le perdre.
- à cet âge, un certain sentiment de compétition reste fort, et perdre est quelque chose de très désarmant pour un enfant.




Je rajoute une cause que je sais être la mienne car je me rappelle très distinctement d'une partie où j'avais perdu mon personnage tuée sous la torture et où j'avais eu un noeud à la gorge : j'avais de la peine pour cette fille, non pas parce que je l'avais créée, mais parce que je la connaissais bien, et en ce sens, je sentais de la tristesse, de la sympathie, bref de la pitié pour elle.

Je pense ensuite à d'autres causes possibles : le sentiment d'impuissance face au déterminisme, l'angoisse de la mort. Voilà deux raisons encore différentes. Et je crois d'autant plus à cela que le jeu de rôle me semble être l'occasion de mettre en jeu sa vie après une vie paisible où tout est protégé par nos parents : c'est l'épreuve de l'affrontement à la mort, où l'on fait l'expérience de la possibilité de mourir, où on se pose comme "pouvant mourir", et non plus comme "enfant avec un avenir".
Meta
 
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Message par Chimère (flavie garnier) » 04 Mai 2009, 22:29

je vais d'abord répondre à fred puis je répondrai à méta!

100 pour cent d'accord avec toi fred! Je ne parlais pas uniquement de la propriété du personnage, mais aussi de la façon dont ton frère l'avait géré.

Les têtes blondes sont parfois (euh... même souvent si j'y réfléchis!) assez sadiques, et ont à cet âge une envie impérieuse de voir le monde se conformer à leurs désirs, notamment à l'âge de ton frère (10 ans à l'époque je crois) où il expérimente dans le même temps la frustration du monde (je fais du piaget de bas étage, en prenant de grand raccourci, je m'en excuse).

Du coup, un bon jdr pour les enfants devraient présenter de véritables contraintes pour permettre au mj de tuer un des personnages, mais aussi pour la liberté dans la partie.

J'en ai présenté certaines à la fin du premier message, aussi je n'en rajouterai pas.

Cependant, ta partie et la frustration que tu as ressentie sont une vraie aide pour essayer de mettre au point un jdr pour enfants.

Je ne connais pas assez le langage forgien pour le dire correctement, mais finalement, le problème reste basiquement le même que pour le jdr en général: jouons nous au même jeu?

Je crois profondément que des règles de role play simplifiées pour les joueurs et d'importantes contraintes pour le mj doivent être de mise, maintenant, comment et de quelles manières, je n'y ai pas encore assez réfléchi.

En bref, je suis tout à fait d'accord avec tout ce que tu as dit dans ton message!
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Message par Chimère (flavie garnier) » 04 Mai 2009, 22:48

coucou méta, maintenant je te réponds, désolée pour le double message, ça fait un peu formel, mais cela m'aide à réfléchir (d'autant que j'ai du mal à ne pas écrire de roman).

Les processus d'empathie sont évidemement présentes chez les enfants, et le seront d'autant plus avec quelque chose qu'ils auront imaginé et , c'était ce que voulait dire ce terme, crée.

Cette création n'est pas une mise à l'écart, et me parait au contraire un prolongement des sentiments de l'enfant. Ce serait une sorte d'erzatz fantasmé si je puis dire.

Cependant, et ce que je vais dire n'engage que moi, même si l'enfant peut expérimenter une certaine idée de la mort dans le jdr, je ne crois ps que ce soit le première chose qu'il pense et vive.

L'enfant apprend aussi une pratique sociale basée sur l'imagination, ainsi que la confrontation avec des systèmes sociaux plus ou moins élaborés, dans lesquels les erreurs n'entrainent pas de réelles conséquences dans la vraie vie.

L'expérience de la mort n'est qu'une partie de ce qui est mis en jeu, et je pense que l'on devrait éviter tout réductionnisme du jdr à la possible expérimentation du funeste. C'est une expérience de vie imaginaire.

Bien sûr, la mort fait partie du jdr mais pas seulement.

L'enfant ressent de l'empathie pour son personnage, et si fred était triste de mourir, il l'était pas la frustraion de n'avoir rien eu le droit de faire pour l'éviter (si j'ai bien compris ce que fred disait), et non uniquement par le vécu de la scène de sa mort.

Je suis donc d'accord avec toi quand tu dis que le jdr peut être une sorte de vécu du vivant dans un présent mortel (et mourrant selon la gravité de la situation), mais c'est aussi un jeu avec toutes les interactions possibles du vivant (le rire, la tricherie, la séduction etc...)imaginaire...
Chimère (flavie garnier)
 
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