On choisit un personnage (voire plusieurs) et on remplit les points suivants :
- présentation (nom, médium s'il en est, description physique et caractère éventuellement...)
- Objectif et motivations (les motivations doivent être personnelles)
- Complications (sorte de révélation qui vient amener une dimension supplémentaire dans la problématique de la rencontre. c'est ce qui amène un côté "dilemme").
- Lieu (si c'est utile : fonction et description esquissée du lieu)
En gros, pour trois rencontres ça m'a pris ¾ d'heures de travail et ça prend une page.
La partie s'est très bien déroulée, les joueurs se centraient beaucoup sur « l'enquête », et ça tournait quand même. Pourtant, ça n'avait rien du jeu d'enquête, puisque joueurs et MJ développent activement l'histoire en fonction des opportunités offertes par chacun.
Ils ont joué leurs persos un peu comme des "héros" sans vraiment chercher à explorer leur éventuel côté monstrueux. Après tout, l'objectif que je leur avais donné (trouver un remède à une mystérieuse épidémie) et le profil de leurs PJ y sont sans doute pour beaucoup.
Si j'ai l'occasion de rejouer, je tenterai le perso près à tout avec peu de morale, ce doit être jouissif au vu des libertés qu'offre le jeu.
Les descriptions de décor étaient plutôt cool quand Lionel (Arkel) qui jouait le PJ alchimiste lançait une scène dans son cabinet médical, ce qui me confirme encore une fois l'intérêt de cette responsabilité pour les joueurs.
Le débriefing était un peu décevant pour ma part, (il n'y en a pas vraiment eu) mais je sais que la partie était bonne rien que par les exclamations de stupeur que lançaient les joueurs pendant la partie à plusieurs reprises.
Lionel m'a dit qu'il avait hâte de savoir ce qui allait se passer ensuite et ce qui est amusant, c'est qu'en dehors de quelques révélations relatives aux rencontres, je ne le sais pas plus qu'eux.
Quelques moments forts :
Les PJ cherchaient un remède pour enrayer une épidémie qui commence à se répandre parmi la population.
1) L'un des PJ est médecin, ils se rendent chez un malade pour examiner ses symptômes. Le malade a des hallucinations et les prend pour des créatures venues l'attaquer, il ne se laisse pas ausculter, ce qui débouche sur un Conflit : Sandra (le PJ de Lionel) a été peut-être contaminée dès la première action par le patient qui l'a touché et l'a arrosé de sa salive. Puis elle s'est fait casser le nez car le malade lui a lancé un vase au visage, mais l'a contenu en transmutant l'environnement pour lui faire une camisole.
À la scène suivante elle a essayé de soigner les plaques qui se formaient sur l'extrémité des membres du malade, mais elle a échoué, cependant, ça lui a permis de découvrir que la maladie en elle-même transforme la chair en entre chose.
>>> Cela valide l'intérêt d'interdire de jouer plus d'un conflit par scène : ça a vraiment permis de canaliser les Conflits, d'éviter les répétitions, les Conflits sans fin et le non respect des narrations de résultat en fin de Conflit.
>>> je valide aussi le fait de gagner un point de résolution si on joue un conflit, même si on le perd, ça incite davantage les joueurs à ne pas forcément vouloir gagner l'enjeu à tout prix lorsqu'ils doivent choisir entre gagner l'enjeu ou contrer les retombées.
Autre scène :
2) Nathan jouait Graham Clarke, météorologue arithmancien. Il décide de rendre visite à une sorte de groupe religieux dont il a entendu parler durant son investigation.
L'organisation se compose d'un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants qui, grâce à un psychomètre ont chassé de leur esprit toute tentation à faire le mal.
Nathan était tenté de leur faire leur fête, surtout à celui qu'il voit comme leur gourou, d'autant que sa femme veut intégrer la communauté, ce qui lui déplait au plus haut point.
Après une longue discussion, il décide finalement de ne pas intervenir, mais demande au psychomètre de les aider dans leur quête. Il accepte, il est là pour "aider son prochain".
Pour l'exemple, je donne ici la Rencontre que j'ai préparée que j'ai intégré dans cette scène :
Limites sociales
Présentation : Ambroise Garland est un psychomètre à la tête d'un groupe religieux. C'est un homme portant toujours un gilet gris clair et un pantalon de velours beige. Il porte des lunettes et une calvitie marquée. Il vit simplement et pieusement.
Objectif et motivations : il offre à ceux qui le lui demande de modifier leur esprit de façon à les rendre incapables de pécher. Les plus fervents ont fondé une communauté : les Annonciateurs de la psychostasie dans le but de vivre en harmonie et d'aider ceux qui en ont besoin. Ambroise Garland
Complications : un proche des PJ dans un instant de vulnérabilité décide de faire « adapter » son esprit pour ne plus souffrir. Mais tous ceux qui le font deviennent d'une gentillesse et d'une amabilité dénuées d'arrière pensées, insupportablement niais, dégoulinant de bienveillance et laissant de côté leur créativité et leur esprit critique. Ils argumentent inlassablement pour essayer de convaincre les autres qu'ils doivent adapter leur esprit. En fait, les PJ forment assez facilement des tentateurs démoniaques pour cette communauté d'une grande naïveté et très puritaine.
Lieu : les Annonciateurs de la psychostasie ont acheté une grande ferme qu'ils ont réaménagée pour y vivre en autarcie.
Ils vivent en commun dans ce petit village, de peu de choses : d'agriculture et d'élevage, faisant du macramé et du tricot. Le village s'appelle « le Bosquet au noyer » (traduisez ce nom en anglais pour comprendre d'où vient mon inspiration).
Encore une scène :
3) Un homme d'une extrême maigreur demande de l'aide à Sandra, l'alchimiste médecin.
Il a déserté l'armée, suite à des fautes graves, il a accepté, de manière un peu forcée, d'être cobaye pour des expériences démiurgiques. Pour faire comprendre aux PJ quel est son problème, il se transforme en un être de grande taille, aux muscles hypertrophiés, comportant quatre bras munis de griffes. Il veut redevenir comme avant et demande leur aide aux PJ et leur propose de les aider de leur côté.
Le jeu offre vraiment aux joueurs audacieux de pouvoir s'éclater à fond. Pour les joueurs plus « posés », ça tourne très bien quand même.
J'ai quelques remarques :
- Le militaire qui est devenu un monstre est survenu un peu par hasard et ça me fait dire que c'est une très mauvaise manière d'amener les choses. Si le malade avait orienté les PJ vers lui, ç'aurait été bien plus sain pour l'histoire.
- J'ai poussé un peu les Rencontres : les PNJ que j'ai préparés avant la partie (les scènes 2 et 3 sont des rencontres avec ces PNJ). Sans doute parce que j'ai senti que les joueurs attendaient un peu que je leur donne du grain à moudre, alors que dans la partie que j'ai jouée avec Fabien comme MJ, en tant que joueur j'étais très entreprenant, une autre partie jouée avec Gaël était aussi assez dynamique, du coup, le MJ peut diluer ses Rencontres plus facilement sur plusieurs parties, ce qui donne une meilleure dynamique à la partie : le MJ n'a pas le sentiment de devoir prendre le contrôle de l'histoire.
- J'ai aussi été un peu trop résistant aux informations, j'ai l'impression, faut-il lancer des informations fortes rapidement ? Peut-être était-ce aussi parce que les joueurs ne me donnaient pas les moyens de révéler des trucs importants facilement sans que ça fasse « tombé du ciel », puisqu'ils ne prenaient pas tellement de risques (du moins, pendant les deux premiers tiers de la partie).
- j'ai réduit le travail pour préparer les Rencontres et c'est très bien comme ça, j'ai vraiment recentré cette préparation de manière à la rendre confortable à utiliser sur le MJ. Néanmoins, je me demande si chaque rencontre doit être liée à l'objectif des PJ : par exemple, j'ai l'impression qu'à chaque fois qu'une Rencontre comme la scène n°2 perturbe les joueurs qui y recherchent un lien avec leur objectif. Est-ce gênant ?
- Je pense que c'est très bien de faire en sorte juste avant de jouer que certaines rencontres soient imbriquées dans l'objectif des PJ, ça permet de relancer un peu l'histoire tout en apportant des problématiques fortes, mais je ne veux pas non plus que ça oriente trop l'histoire, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai ajouté une étape dans la création des Rencontres qui s'appelle « Complications », par exemple : un personnage qui passe pour un parfait antagoniste dévoile à un moment ses réelles motivations, ou son histoire personnelle qui devrait remettre en question la relation que les PJ entretiennent avec lui.
- L'histoire avait un ton très Fullmetal alchemist-esque et j'en suis très heureux, avec des personnages confrontés à des situations assez horribles face auxquelles ils doivent prendre des décisions qui sont loin d'être établies d'avance. Il s'est passé beaucoup de choses dans cette partie qui a duré environ 4 heures, c'était riche et dense, le découpage en scènes y est pour beaucoup.
- Pour pouvoir jouer plus longtemps et ne pas passer 2h à créer les PJ, j'ai donné des pré-tirés aux joueurs, ce qui limite tout de même l'intérêt du jeu, puisqu'en temps normal, ce sont les joueurs qui choisissent la quête qu'ils vont poursuivre, leurs raisons intimes et qui vont conduire l'histoire en décidant du but de leur personnage tour à tour, sur chaque scène. Là, les joueurs ne faisaient que s'approprier le but et les personnages que je leur avais créés.
- J'ai néanmoins respecté à fond les règles de création des Rencontres du MJ, notamment en ne les liant aux relations des PJ et aux PJ eux-mêmes qu'après avoir pris connaissance des PJ que les joueurs ont créés/choisis. Ça fonctionne vraiment très bien et ça m'a l'air vraiment facile et rapide à mettre en place.
- Ce playtest m'a vraiment fait avancer sur ma compréhension de mon propre jeu, car il y a vraiment un tas de subtilités à propos desquelles j'étais incapable de trancher en me contentant d'y réfléchir, ce mélange d'histoire conduite par les joueurs autour d'objectifs qu'ils choisissent, combinés à une préparation de rencontres indépendantes par le MJ soulève encore beaucoup de questions.